Nous publions le texte intitulé Pour en finir avec la bête immonde déguisée en Ipod diffusé à l’occasion du débat organisé le mercredi 20 juin 2007 au CICP à Paris autour de la sortie de l’ouvrage – très sérieux – Pour en finir avec la tyrannie technologique, publié aux éditions L’Échappée. Quelques précisions accompagneront utilement sa lecture.
Il nous faut d’abord signaler que ce texte n’a pas été discuté ni écrit par l’ensemble des participants au dossier. Il n’émane, disons, que des plus agacés de ceux qu’avaient énervés les manœuvres au sein du collectif antibiométrie parisien, dans lequel ils avaient fait l’expérience de l’impossibilité d’énoncer autre chose qu’une critique des machines (toute allusion au contrôle et à l’exploitation y étant balayée comme restes paléomarxistes), mais également d’espérer un tant soit peu de fonctionnement collectif tout simplement correct en ce qui concerne l’organisation des actions et l’élaboration des textes. Les auteurs de ce pastiche voulaient, et c’est aussi ce qui motive leur participation à ce dossier, attirer l’attention à la fois sur certaines thèses antitechs et sur certains comportements autoritaires qui contredisent manifestement les prétentions libératrices censées les inspirer. Outre les allusions aux déboires du collectif en question, les thèses défendues et les exemples choisis par les auteurs de l’ouvrage contre la « tyrannie technologique » y sont tournés en dérision.
Cette tonalité parodique a posé question à certains. Elle ne permet certes pas de déployer une critique sérieuse ni d’avancer des démonstrations argumentées. En revanche, et c’était sa raison d’être, elle montre qu’en exagérant très peu les énoncés, on arrive vite à des propositions proprement inacceptables, et elle permet de rire un peu (selon l’humeur), ce qui a fait beaucoup de bien à ses auteurs extrêmement lassés des débats impossibles et des magouilles diverses au sein du collectif. Il apparaît du reste que l’aspect parodique n’a pas toujours été compris, ce qui pourrait être considéré comme un signe d’échec de l’exercice choisi. Car les auteurs pensaient avoir été suffisamment grossiers (sans ajouter tellement à la grossièreté des positions piochées pour la plupart telles quelles dans Le Cauchemar de Don Quichotte), pour que l’ironie soit évidente. Or, suite à la diffusion de ce texte sur Internet, les commentaires les plus intéressants furent les plus stupéfiants : ils acceptaient et louaient la pertinence des propositions les plus extravagantes du texte, en en refusant seulement une ou deux car tout de même un peu exagérées, ou affirmaient simplement son intérêt (1).
Ces réactions nous semblent avoir une certaine pertinence : de fait, au royaume de l’antitechnologie, des propositions ordurièrement racistes, ouvertement sexistes ou bêtement réactionnaires peuvent très bien s’assortir avec l’ensemble du décor, sans même paraître caricaturales.
L’un des commentaires, signé TS, est d’une tout autre nature (2). Il est manifestement écrit par quelqu’un qui pense nous avoir compris et démasqués. Il veut précisément nous faire passer, auprès de ses camarades moins avertis, pour des militants congénitalement insensibles aux problèmes que soulève la vie d’un collectif. Il ne signifie rien d’autre que ceci : « On a autre chose à faire que de s’intéresser à ces gens. Ils appartiennent à une secte — les paléomarxistes — et tout le monde sait qu’il est impossible de faire quoique ce soit avec des sectaires, surtout lorsqu’ils sont impudiques (ils étalent les problèmes privés d’un collectif sur Internet) et progressistes. » Nous espérons avoir clairement montré dans l’ensemble de ce dossier que notre méfiance vis-à-vis de la critique des machines n’est pas issue d’une admiration confiante dans leur avènement. Rabattre nos points de vue sur un marxisme caricatural défendant le progrès par la technique qui libérera l’ouvrier de la chaîne est d’une particulière mauvaise foi. Nous reconnaissons volontiers que cette pochade ne méritait pas une réponse approfondie, mais nous espérons néanmoins que l’auteur de celle-ci ne croit pas y avoir tout dit et qu’il ou elle voudra bien réagir autrement aux textes de ce dossier.
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Notes :
(1). « Parenthèse. Ce texte est écrit par un mec ! Citer la péridurale comme une déresponsabilisation est complètement stupide. Je propose à l’auteur de se faire élargir le fondement sans se faire anesthésier, il comprendra alors l’idiotie de cette phrase. Cependant, sur le fond je suis d’accord avec ce texte mais la forme est ridicule. J’ai même du mal à le comprendre. Veuillez m’excuser si je n’ai pas compris le trop plein de cynisme de ce texte et n’hésiter pas à m’éclairer… »; et encore : « Oui mais j’ai lu le livre, je suis allé à la conf’ j’ai un iPod eh ouais car pour ceux qui ont pas bien compris le sujet ca parle de la tyrannie technologique et de la tournure que cela a pris ca n’est pas un appel au traditionalisme, l’article est bien, c’est à dire attention à la prolifération du ‘‘tout technologique’’ pas à la technologie elle-même ni à la technique. Donc avoir un iPod ne vous empêche pas d’être d’accord avec l’idée du livre ou du débat. »; ou même: « Eh, les modés… faut le ‘‘publier’’ ce texte au lieu de le laisser dans les ‘‘proposés’’… ».
(2). « Un texte méchant pour régler des comptes. Dirait un règlement de compte interne entre militants contre la biométrie. Seuls comprendront ceux qui on connu les réunions antibiométrie au CICP en 2005-2006. La tendance scientiste productiviste, attachée au vieux marxisme du 19e s’ est sentie virée par la tendance qui ne croit pas au progrès par les machines et le ‘‘déferlement technologique’’ (concept de Tibon-Cornillot). Et ces marxistes de la vieille école se venge par ce texte crypté, plein d’ allusions mesquines, avec l’ ironie qu’il faut pour blesser. Ces marxistes là on loupé le coche de Illich, Ellul, Charbonneau, G. Anders, Orwell, Michéa, Mandosio, Louart, Riesel. Ils croient encore au mythe de la ‘‘technique salvatrice’’, comme le vieux Gorz devenu fana des Digital Fabbers. TS. »